AUX CENDRES DE CENDRA

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 "Aux cendres de Cendra" :
Le 12 juin 2005, Sandra Cadet-Petit, secrétaire à la mairie de Fort-de-France en Martinique, était brûlée vive dans sa voiture, son ex-compagnon l’ayant aspergée d’essence avant de commettre l’irréparable... Le coupable de cet acte horrible, Robert Mariello, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle assortis d’une peine de sûreté de 13 ans. La préméditation n’a pas été retenue par les jurés de la cour d’assises. C’est ce qui m’a inspiré ce poème insistant sur la préméditation.
J’ai changé le prénom "Sandra" en "Cendra", à la fois pour évoquer les cendres, et pour faire de cette "Cendra" transformée en torche vivante la flamboyante allégorie de toutes les femmes victimes de terribles violences.

 "Il a voulu acheter de l’essence avec son petit bidon, pourtant il n’était pas en panne : la veille il avait fait le plein.
Il était plein de Cendra. "
il y a « plein » de doubles sens et d’allusions : le mot « panne » s’applique à toutes sortes de pannes, d’essence ou autres, y compris "pannes" au sens figuré (tares, débilité, incapacité à se contrôler, difficultés d’érection, impuissance etc) ; d’autre part, jeu de mots sur “faire le plein”, “être plein de”…]

 "La circulation était dense, lui offrant la possibilité de ressasser…"
La signification est que, comme il y avait des embouteillages, il a eu tout le temps de “ressasser” son ressentiment, de se répéter à quel point il lui en veut de l’avoir quitté, à quel point il veut se venger, la détruire. Mais cela aurait aussi pu le calmer, le faire réfléchir, peut-être même hésiter… (Or il n’a utilisé tout ce temps qu’en mal, pas en bien, en mauvaises pensées, pas en rétractations ni en revirements.)

 "quomodo" c’est le mot latin qui signifie "comment". Cela désigne les différentes commandes, les divers boutons sur le tableau de bord d’une voiture (comment s’en servir).

 “Pendant qu’il faisait la queue, il avait encore le loisir de méditer."
Ici ce n’est pas le pluriel « avoir des loisirs » mais le singulier, « avoir le loisir de » (langage soutenu) ; il y a une nuance d’importance : quand cette expression est au singulier, intervient la notion de permission, possibilité, disponibilité etc. L’expression « avoir le loisir de » signifie tout à la fois disposer de temps libre pour faire quelque chose, avoir l’opportunité de, la possibilité de, en incluant, en outre, la notion de permission, d’activité distrayante — « distraction » au sens propre, le distrayant de son idée fixe, l’éloignant de son obsession de vengeance —, mais aussi de détente, de plaisir, en toute quiétude. Cependant il ne s’agit pas que de calme, de tranquillité : il y a plein de gens, du bruit, de l’agitation, puisqu’il y a “la queue” ; il s’agit de temps pour réfléchir, d’occasion de réfléchir, de disponibilité pour méditer.

 « Man plen épi’y ! » (créole) : littéralement je suis plein d’elle, j’en ai assez d’elle, elle me met hors de moi, elle me rend fou, je n’en peux plus à cause d’elle.

 "Le pauvre type lui a répondu : « Tu as raison, fumer tue »." :
Ce brave type a donc pu témoigner que le sale incendiaire a déclaré ne pas fumer, donc préméditation dans l’achat d’un briquet. (Témoignage imaginé pour insister sur la préméditation, qui aggrave l’homicide volontaire.)

 "Cela lui donnait l’occasion de philosopher, ce bitako avec son mégot agrippé à sa portière…" :
"Bitako" (créole) : homme fruste, mal dégrossi, campagnard aux manières grossières, peu raffinées.
Ce "pauvre type" s’accroche à la portière de la voiture du futur criminel, l’empêchant de démarrer, lui laissant encore le temps de réfléchir avant d’aller tuer Cendra.

 "chemin chien" : chemin détourné, raccourci, petite route non balisée pour éviter l’autoroute encombrée, sentier sauvage, trace.

 la filant : la prenant en filature, la suivant, la pourchassant.

 la Levée = le boulevard : c’est l’ancien nom, aujourd’hui encore familier, du boulevard du Général de Gaulle, la plus large voie de Fort-de-France, où se situe la mairie (lieu de travail de Cendra, qui était secrétaire de mairie).

 « Patat’sa ! » (juron créole très grossier, la patat étant le sexe de la femme) = putain de merde !

 "Et quand il y a mis le feu, a-t-il croisé son regard ne serait-ce qu’un fugace instant ?" :
la locution adverbiale « ne… que… » exprime la restriction et signifie « seulement, rien de plus que » ; "ne serait-ce qu’un fugace instant" veut dire "même très brièvement seulement", "même juste un court instant" ; le « ne » n’y est pas négatif, c’est le « ne » explétif.

 L’habitacle = l’intérieur de la voiture. Cendra conduit elle-même sa propre voiture, elle est seule au volant de sa voiture, et l’homme y met le feu. Cendra y mourra, brûlée vive.

 "embrasement avec un seul S (action de brûler) / "embrassement" avec deux S (action de prendre dans ses bras) : jeu de mots sur les "feux de l’amour"… Voir plus bas : les « feux de son faux amour criminel ».

 Fòdfwans, 22 Mé 2008 (Fort-de-France, May 22, 2008) :
La date n’est pas anodine, le 22 Mai étant la fête de l’Abolition de l’esclavage en Martinique.

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