Sur « CHLOROPHYLLIENNE CRÉATION »

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« CHLOROPHYLLIENNE CRÉATION » :

 167 : Terres-Sainville  : ce quartier de Fort-de-France, autrefois appelé « Quartier des Misérables », était une zone marécageuse particulièrement insalubre qui appartenait avant 1902 à un certain marquis de Sainville. C’est Victor SÉVÈRE, maire de Fort-de-France entre 1900 et 1945 qui, après avoir entamé des procédures visant à exproprier cette portion de terre, entreprit vers 1920 de la faire assainir et aménager. Les travaux d’assainissement ont continué d’être menés pendant les mandatures successives du maire Aimé CÉSAIRE depuis 1945. Progressivement les Terres-Sainville, de terre d’exode pour ceux des campagnes qui "descendaient en ville", devaient devenir le plus grand quartier ouvrier et artisanal, lieu de résidence populaire tout en accueillant de nombreux commerçants et artisans qui contribuent à en faire un quartier très vivant.

 169 : « A cheval avec la satanique cité Saint-Georges » : allusion à Saint Georges à cheval triomphant du démon (ou du dragon, comme Saint Michel) ; « cité Saint-Georges » : quartier de Fort-de-France où le personnage féminin vivait avec un homme abominable (comme un démon ou un dragon), « à cheval entre deux domiciles », habitant tantôt l’un, tantôt l’autre, car cette femme ne peut se résoudre à vivre en permanence chez cet homme ombrageux, jaloux, possessif et violent. Donc elle rentre chez elle (chez ses parents) de temps en temps.

 169 « Des Filaos, donc – Bas-Didier –, le grand démarrage de ma vie, oui, à la créole démarrée, jusqu’à cette… » : ici on parle des déplacements de l’écrivaine (Des Filaos …. jusqu’à…) : jeux de mots : ce « démarrage » est, au sens français, un nouveau départ dans la vie de cette femme, et, au sens créole, une libération presque magique : « à la créole démarrée » : « à la créole » parce que « démarrée » dans ce sens est un créolisme ; « démarrée » en créole signifie « libérée », « désenvoûtée » (ce mot s’utilise en « quimbois », magie locale proche du vaudou).
Il s’agit d’une femme qui quitte un homme dont elle ne veut plus, qu’elle trouve nul. Cette phrase signifie « en partant de la résidence Les Filaos, située au quartier Didier (à Bas-Didier), en quittant ce domicile du quartier Bas-Didier pour aller « jusqu’à cette quiète résidence Clerc du haut de la route de Didier », donc en montant du bas vers le haut ; c’est une ascension réelle et symbolique, puisqu’elle quitte un homme avec qui elle vivait à Bas-Didier pour aller s’installer, libérée de cet homme affreux, en haut du quartier Didier. Tout est dans cette thématique du livre, d’où le titre Rue Monte au ciel : la verticalité, l’ascensionnel, l’idée qu’une femme « tombée » dans les pires problèmes se relève, en « femme debout ». J’ai choisi exprès ces lieux (Bas-Didier et haut de Didier) pour marquer géographiquement cette trajectoire dans la vie d’une femme qui parvient à se débarrasser des hommes qui sont mauvais pour elle (même s’ils s’accrochent à elle). Ce ne sont pas seulement des déplacements de cette femme, mais des changements de vie : elle reprend sa liberté, se hisse vers le statut de « femme debout ».
(De même, dans « De sueur, de sucre et de sang », Emma habite Haut-Didier car c’est là qu’elle s’offrira son élévation spectaculaire d’où elle tirera son étrange « jubilation » finale, pour s’élever au-dessus de cette minable condition de femme soumise qu’on lui avait imposée par un mariage forcé.)

 173 : Traduction du poème en créole de G. Gratiant
"An souè assou la route Balata"…… :

"Un soir sur la route de Balata,
Une petite boutique sous un manguier,
Toutes les lucioles scintillent dans les bois,
Une touffe de bambou crie comme un humain,
Un homme pieds nus t’a dépassé sans que tu l’aies entendu ;
Un grand coutelas brillait au bout de son bras
(…)
Souviens-toi, ma chère, souviens-toi…"

 173 La « petite boutique » sous un manguier est une petite épicerie, une maisonnette (une case) ombragée par un arbre qui pousse à côté. (Le manguier a des frondaisons très larges.)

 173 « qu’elle aurait pris son chapelet » : « prendre son chapelet » veut dire devenir très pieuse, dévote ; en français, grenouille de bénitier, en créole « ravet d’église » (le ravet est une blatte, un cafard). La phrase « Eût-elle eu vingt années de plus de galères pseudo-sentimentales qu’elle aurait pris son chapelet » signifie que, si elle avait été plus âgée, elle serait devenue une grenouille de bénitier.

 174 : « tirs » : elle est à côté d’un terrain militaire, « le champ de tir du camp » de Balata. “Tirs fantômes”, ou plutôt fantomatiques, car elle ne voit pas qui tire, et entend seulement le bruit des tirs.

 174 « allumé » : exalté, survolté, surexcité.

 174 “boutou” : bâton.

 174 “prendre là même la hauteur du piopio dégingandé et ses propres jambes à son cou” : il y a ici un hypallage entre une expression à la créole (prendre la hauteur de quelqu’un : mépriser, dédaigner, regarder de haut) et une expression française (prendre ses jambes à son cou : se mettre à courir, s’enfuir).

 174 “là même” : immédiatement.

 174 “piopio” : débile, idiot.

 178 " Eût-elle eu vingt années de plus de galères pseudo-sentimentales qu’elle aurait pris son chapelet" signifie : si elle avait eu plus de misères pseudo-sentimentales, plus de chagrins d’amour, davantage de déceptions amoureuses, elle se serait réfugiée dans la religion, serait devenue dévote, pieuse, "grenouille de bénitier".

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