Suzanne Dracius dans "Témoignage chrétien" n° 3433 - 24 février 2011 - La France est-elle raciste ?

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Suzanne Dracius

Contribution dans Témoignage chrétien n° 3433 - 24 février 2011 - p. 28 :

La France est-elle raciste ? Terrible question qui porte en son sein sa réponse : si on avait atteint le postracial que préconise le président Obama, elle ne se poserait plus. Arrachée à la lecture de traductions de Rue Monte au ciel en anglais et italien, je vois que l’actualité pose aussi cette question cinglante. " Il n’y a pas de coïncidences, que des correspondances ", écrivais-je dans ce livre. Aux USA, pays naguère ségrégationniste, en Italie, où se manifeste cruellement le racisme anti-immigrés, il y a un intérêt pour l’oeuvre d’une Martiniquaise. Mais les gens qui lisent ne sont pas représentatifs du vulgum pecus. Quid de la France ? Alors qu’à Lampedusa accoste un millier de Tunisiens, la France s’affole : c’est là que la plupart veulent aller. Au JT passe l’un d’eux, basané, capuchonné. Fuse alors dans la salle d’attente : " Regarde cette tête de voleur ! " Arabe voleur, nègre paresseux… À l’orée du XXIe siècle, l’hydre immonde parcourt le monde. Mais on peut vaincre le monstre.

Le racisme est soluble dans le bouillon de culture.
" Négresse à plateau ", ai-je entendu à la récré. Découvrant que se pratique réellement dans la tribu Mursi le port du plateau labial, j’eus la révélation que le racisme est culturel et par là même curable : la culture n’est pas figée, le participe latin cultura est futur. L’enfant ignore l’existence de négresses à plateau. Par contre il se peut qu’il y ait dans son entourage un vétéran d’Afrique qui colporte telle expression et le contamine.
Je n’ai pas souffert du racisme, intégrée de facto par un passeport imparable : 1ère en français latin grec, tout oiseau de couleur que j’étais.

Le racisme est soluble dans l’eau de boudin.
Le sens créole de la fête, le chanter Noël convivial unissant par des cantiques dilue le racisme, efface les a priori. Connaître l’Autre, communier rend moins raciste.

Le racisme est soluble dans le ti punch.
De plus en plus de " Gaulois " viennent aux Antilles, d’autant que l’hiver est rigoureux. Il fait bon se dire qu’en France il fait toujours beau quelque part, qu’on peut se baigner toute l’année dans une mer chaude. Si toutefois le touriste déplore que le Domien confonde service et servitude, ne s’est-il pas montré arrogant ? Il faut respecter les séquelles d’un passé douloureux. L’esclavage n’a été aboli qu’en 1848… Gageons que l’Antillais, français à part entière mais entièrement à part, saura faire preuve d’une formidable capacité de résilience à condition que la France ne le traite ni en être inférieur ni en assisté : le Domien paie ses impôts comme les autres. Lors des grèves de 2009, on a pu mesurer que l’Hexagone ignore l’essentiel sur les DOM et se fait des idées fausses. Il serait trop long de rappeler ici ce pan occulté de l’Histoire de France. Or le racisme vient de l’ignorance. Que soit appliquée la Loi Taubira dans l’enseignement pour l’éradiquer.

Le racisme est soluble dans le sang-mêlé.
On voit plus de couples mixtes et, ce qui est important, dominos noir/blanche transgressant le tabou " Touche pas à la femme blanche ". L’Antillais se taille la part du lion en séduction avec son postérieur callipyge si caractéristique qu’on lit dans les magazines l’expression " derrière antillais ". Gare à lui ! Ce charme ne suffit pas à faire supporter sa fâcheuse tendance au machisme. La phallocratie qui fait florès aux Antilles ne fonctionne pas à Paris, les préjugés archaïques qui y régissent les relations sont obsolètes. Cette France qui commence à se départir du racisme en faisant ami-ami avec l’Antillais et plus si affinités, qu’elle ne soit pas traumatisée par le comportement outrancier de certains. Il suffit de deux-trois exemples lamentables d’adultère (masculin bien sûr, c’est le noeud du problème) pour que l’on étiquette mal le mâle antillais. Cette généralisation génère une recrudescence du racisme. Le combattre est intrinsèquement lié à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, et, plus largement, au respect de la condition féminine et des droits de l’enfant, donc à une grande cause nationale.

Que la France se garde de toute condescendance et de sa tendance au doudouisme paternaliste. L’Année de l’Outre-mer, des voix s’élèvent pour l’assimiler à L’Exposition coloniale avec son cortège de mépris.
Que la France reconnaisse une fois pour toutes que les sportifs ne sont pas seuls à faire de la France une championne, que les lettres antillaises illustrent la littérature française.
Non contente d’avoir occulté que Dumas a une aïeule noire, il a fallu que la France prête un nègre au mulâtre, comme si l’écrivain français le plus célèbre au monde ne pouvait avoir du sang noir.
Le racisme est soluble dans l’encre noire.

"En débat"
"La France est-elle un pays raciste ? "
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