Le nom de Dracius Onomastique
L’onomastique occupe une place importante dans l’oeuvre de Suzanne Dracius, notamment parce que, à ses aïeux esclavés, on a enlevé leurs noms d’Afrique.
Or, l’étymologie du nom Dracius se trouve chez Homère, dans l’Iliade, au chant XIII, vers 692, le nom grec Δρακίος (Drakios), latinisé sous la forme « Dracius » dans les traductions latine, et donc française :
« Il y a là une élite athénienne […] ; à la tête des Épéens sont Mégès, fils de Phylée, Amphion, Dracius ».
Ce nom "Dracius" est un hapax, un mot dont on ne peut relever qu’un seul exemple dans un corpus donné, en l’occurrence l’Iliade d’Homère, et s’inscrit vraisemblablement dans les procédés de distribution de patronymes issus de la littérature antique et de la mythologie gréco-latine après l’Abolition de l’esclavage en Martinique : le 22 mai 1848, l’insurrection avait éclaté à Saint-Pierre. Le 24, le gouverneur décrète la liberté, « considérant que l’esclavage est aboli en droit », anticipant l’arrivée du décret du 27 avril, le 3 juin. Ce sont donc les esclaves qui ont contraint le pouvoir local à abolir l’esclavage. Or le suffrage universel (masculin uniquement, comme en France même) implique l’attribution de patronymes à ces nouveaux libres qui, en tant qu’esclaves, ne possèdent qu’un prénom — de baptême — et un numéro matricule.
Le prochain roman de Dracius explore amplement ce thème de l’onomastique.
(On aurait préféré que ce Dracius soit un Troyen plutôt qu’un Athénien, un assiégé plutôt qu’un assaillant, un vaincu plutôt qu’un vainqueur, un opprimé plutôt qu’un oppresseur, un « damné de la terre » plutôt qu’un colonisateur…)
Post-scriptum :
Sur Facebook, en novembre 2022, deux amis, une écrivaine et un écrivain, m’ont évoquée en termes très élogieux sur leurs murs respectifs et respectables, mais l’une m’a appelée « l’immense Suzanne Gracius », et l’autre a signalé « qu’à l’ombre de la soufrière, c’est la figure féminine qui domine (Maryse Condé, Simone Schwarz-Bart, Gisèle Pineau…). Cela souffre bien sûr de notables exceptions de part et d’autre comme Suzanne Gracius en Martinique ».
Merci de vos éloges, chère Anna Alexis Michel, cher Alain Foix, mais, quoi qu’il en soit, il me faut rendre à Dracius son D, bien que j’apprécie la jolie paronymie avec « gracieuse », et quoique je sache gré aux Gracques de leurs idées, très en avance sur leur époque, de réformes agraires afin de permettre aux citoyens pauvres d’améliorer leur condition sociale, grâce à l’anadasmos (redistribution de la terre). C’est vrai que Dracius ressemble à Gracchus, mais l’étymologie de mon nom est tout autre, c’est la traduction latine du nom grec Δρακίος (Drakios). (Voir plus haut.)
– Le patronyme " Dracius " serait-il à rapprocher de la racine grecque de δράκων (drákôn), qui signifie "dragon" ?
(Toujours est-il qu’une fois, sur le programme d’une conférence, en lieu et place de " Suzanne Dracius ", apparut le nom d’une étrange écrivaine, " Suzanne Dracula ", qui disparut aussitôt et que l’on ne revit plus jamais.)
– Par ailleurs, au début du IXe siècle, Dracy est une villa carolingienne, la villa de DRACIUS, établie au bord de la rivière, sur un site occupé de longue date si l’on en juge par les vestiges gallo-romains trouvés sur place et dans les ferriers avoisinants, à l’emplacement actuel du château de Dracy.