Article de Suzanne Dracius à propos de la pièce "I Will…"

samedi 20 juin 2015
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– Article de Suzanne Dracius à propos de la pièce I Will…, 18 juin 2015 :
Très roborative découverte que celle d’Ibrahima Diallo, rencontré alors que je présidais le jury du Prix Césaire décerné par l’ADEAS, Association des étudiants africains de la Sorbonne : paradoxalement, ce dynamique metteur en scène présente une chanteuse morte par un hymne à la vie. Au théâtre Bô — pas bobo, pas trop « bourgeois bohème » comme disait Maupassant, mais beau et confortable malgré ses petites dimensions –, beau biopic théâtral et beaucoup de beau : la sulfureuse litote pour le cas – pas très beau – Bobby Brown, la prétérition doublée d’une belle anaphore dans l’évocation de la mère, le procédé de l’interview télévisée façon Thierry Ardisson, la citation de Gainsbourg et son « I want to fuck you » télévisé très « Gainsbarre » – car la télé est là, omniprésente –, la posture pudique, et la boucle bouclée, comme en une ultime expiation et une hypothétique réconciliation, avec la chanson finale de Prévert et Kosma, « Les feuilles mortes », qu’interpréta ce même Gainsbourg beaucoup moins Gainsbarre, alors. Bon nombre de bonheurs d’écriture font le charme de cette performance tout autant musicale que dramaturgique où affleurent cependant quelques familiarités de bon ton, juste de quoi détendre l’atmosphère et ne pas tomber dans le scabreux.
Tour à tour chanteuse et conteuse, la blanche et talentueuse Emma Krief ne s’est pas affublée d’une perruque afro ni de chaussures à plateforme pour incarner la talentueuse et noire Whitney Houston surnommée « Whiteney » sous prétexte qu’elle chantait blanc. Par le truchement d’Emma, Whitney proclame qu’elle ne sait chanter ni noir ni blanc, mais qu’elle sait chanter tout court, à l’instar du King, Elvis Presley, qui fascina son enfance, un Blanc à qui l’on reprocha de chanter noir…
Sans manichéisme, car rien n’est tout noir ni tout blanc, le métissage est culturel, plein de ferveur et fécond, dans l’entrelacs créé par cette bouleversante Italo-israélienne interprétant du gospel, affirmant tous azimuts son caractère universel, l’aspiration à l’absolu, l’envie dévorante de réussite, mais aussi, en arrière-fond, omniprésente, la déréliction suprême.
« I Will… » souhaiter plein succès au Festival d’Avignon à cette jeune pièce présentée par Jean-Baptiste Martin !

– Message d’Emma Krief, 19 juin 2015 :
"Bonsoir Suzanne, je souhaite vous transmettre le grand bonheur que j’ai éprouvé en lisant vos incroyables lignes à propos de notre spectacle. Je suis touchée tant par la forme que par le fond de vos mots si harmonieux, perspicaces et remplis d’une rare sensibilité. Mille mercis pour ce cadeau magnifique. J’espère vraiment que nous aurons l’occasion de nous recroiser et d’échanger à nouveau, très bientôt.
Poétiquement. Emma"