Un seul virus vous hante et tout est dépeuplé

41e jour de confinement
dimanche 26 avril 2020
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Un seul virus vous hante et tout est dépeuplé

L’amende est salée (135 € pour être sorti sans la très officielle « attestation de déplacement dérogatoire » en bonne et due forme, voire davantage en cas de récidives), mais il y eut pire : en 1720, en cas de manquement « dans un temps de contagion » en l’occurrence la grande épidémie de peste dite « peste de Marseille », période qui montre l’importance qu’est en train de prendre la surveillance de l’État sur les individus, « où la communication était défendue », pour avoir circulé d’une région du royaume de France à l’autre, par exemple avoir été « du Languedoc en Rouergue » « contre les déffenses (sic) qui ont été faits (sic) d’y passer », on vous fusillait sur ordre du roi ! Mais en France il n’y a plus de roi, on est en République, entretemps il y a eu la Révolution de 1789 et mainte et mainte révolution.
Le 27 avril 1848 l’Abolition de l’esclavage fut décrétée par le Gouvernement provisoire de la Deuxième République, qui comptait en ses rangs un grand poète, Lamartine, auteur de la pièce de théâtre Toussaint Louverture en 1850. En ce temps de confinement où le covid vide les villes, la tentation est grande de paraphraser Lamartine : Un seul virus vous hante et tout est dépeuplé.
La Deuxième République fut brève mais essentielle : elle se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France, primo parce que c’est le dernier régime à avoir été instauré à la suite d’une révolution ; secundo, c’est aussi le régime qui institue pour la première fois le suffrage universel en France – masculin, seulement, pour commencer ; pour le vote des femmes il faudra attendre presque un siècle, jusqu’en 1946 –, et, tertio, après la première abolition de 1794, avortée à cause de Bonaparte, qui était le fait de la première République, c’est la Deuxième République qui abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Les principes de 1789, comme la liberté individuelle, la liberté de réunion et la liberté de la presse sont mis en application : le 27 avril, un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l’esclavage, « considérant que nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves ».
Nous sommes à la veille du 27 avril, ô coïncidence ! Mais il n’y a pas de coïncidences, il n’y a que des correspondances, baudelairiennes, comme je l’ai écrit dans Rue Monte au ciel.
Ça y est, finie, la quarantaine, jour pour jour, en ce 41e jour de confinement !
Mais hélas, pas de déconfinement pour le moment, pas avant le 11 mai…
Encore et encore coïncidences / correspondances : la fin de l’esclavage du confinement est prévue le lendemain du 10 mai, journée commémorative du souvenir de l’esclavage et de son abolition, ô symboles !

Ibidem, révolutionnairement, 41e jour de confinement, dimanche 26 avril 2020