Plages interdites en confinement draconien

Écrire en mon île confinée - 5e jour de confinement
samedi 21 mars 2020
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Plages interdites en confinement draconien

Cette « version absurdement ratée du paradis » dont parle Césaire, la Martinique commence à lui ressembler de plus en plus, avec torture infernale de surcroît : à l’horreur de l’épidémie et aux affres du confinement s’ajoute une espèce de supplice de Tantale, la tentation de la mer qui vous tend les bras, toute proche, où l’on meurt d’envie de plonger mais que l’on n’a plus le droit d’approcher.
On la voit quasiment de partout, la mer, la Martinique est une île, et minuscule !
Pas de câlins ni d’embrassades d’amis humains, pas de caresses de la mer, ah, quelle galère !
Mais ce sacrifice est absolument nécessaire.
Rester chez soi est strictement obligatoire pour endiguer la propagation du virus.
Il faut respecter la fameuse distanciation sociale.
Je confesse que je supporte bien le confinement, je suis casanière, ma vie c’est écrire, à la maison, mais je souffre cruellement de ne pouvoir me baigner à la mer ! Mais cette petite mortification est vitale. Je suis obligée de rêver d’une piscine d’eau de mer, très malheureuse de ne pouvoir aller prendre mon bain de mer quotidien. Doux rêve dur à réaliser car il me faut, non pas une petite pataugeoire mais de quoi faire plusieurs brasses, pas une piscine olympique mais quand même de quoi nager à l’aise.
Jusqu’ici je boudais les piscines, leur préférant l’immensité de la mer, mais là je m’en contenterais. Je suis si frustrée que je m’en satisferais, s’il y a assez de place pour nager…
« Homme libre, toujours tu chériras la mer », dixit Baudelaire. Ce maudit coronavirus met à mal non seulement les corps mais aussi les libertés.
Ce sont les comportements excessifs et irresponsables de gens qui ne comprennent rien à rien et se sont agglutinés sur les plages qui font durcir les mesures. Pourvu que ça serve à quelque chose, ce confinement draconien ! Vivement le médicament ! Vivement la fin de la pandémie ! Sans bains de mer j’avoue que j’ai du mal à tenir.
Au quatrième jour, les gendarmes envahirent les rochers pour aller en déloger un inoffensif pêcheur à la ligne parfaitement solitaire.
Je sais qu’il faut respecter le confinement, mais sans plage, c’est trop cruel. On aurait dû instaurer un système de distanciation obligatoire comme dans les supermarchés, comme dans les bureaux de vote ! (Ils ont bien su le faire pour maintenir le premier tour des élections municipales !)
Et puis, l’OMS dit que le confinement ne suffit pas à vaincre le coronavirus… Ah, si l’on avait assez de masques à distribuer !…

Pointe-des-Nègres, Martinique – lieu de débarquement de mes ancêtres esclaves déportés d’Afrique pendant la traite négrière –,
samedi 21 mars 2020,
5e jour de confinement.